L’accusation
Galilée a été condamné au bûcher par l’Inquisition pour avoir prouvé scientifiquement que la Terre tournait autour du Soleil, ce que l’Église refusait d’admettre car cela montrait que la Bible avait tort et remettait en cause toute la religion.
La réalité
L’idée selon laquelle la Terre n’était pas le centre de l’Univers avait déjà été avancée par des savants ecclésiastiques bien longtemps avant Galilée, sans qu’ils soient inquiétés. Les thèses de Galilée (1564-1642) s’inscrivent en réalité dans une polémique plus religieuse que scientifique : à l’époque, le pape Urbain VIII, qui initialement était plutôt un défenseur de Galilée, est accusé de faiblesse par certains ecclésiastiques conservateurs (notamment les jésuites), attachés à une cosmologie plus classique et à une interprétation littérale des textes bibliques ; en condamnant Galilée, le pape donne un gage aux conservateurs. Galilée lui-même rentre dans cette polémique avec violence : dans son Dialogue de 1632, au lieu de présenter les deux thèses contradictoires avec honnêteté comme le pape le lui avait demandé et comme il s’y était engagé après son premier procès en 1616, le savant se moque de ses adversaires, pape compris ; en outre, sortant du seul domaine scientifique, il prend position dans la question théologique de l’interprétation de la Bible. C’est à cause de cette attitude agressive et de ce manquement à la parole donnée que Galilée est finalement condamné, non pas au bûcher évidemment, mais simplement à la résidence surveillée dans sa propre demeure, ainsi qu’à une pénitence symbolique.
Quelques exemples
- L’Église n’a jamais enseigné le géocentrisme comme faisant partie de la foi chrétienne : à l’époque de Galilée, le géocentrisme était simplement l’hypothèse la plus largement admise par le milieu scientifique.
- La thèse héliocentriste avait déjà été soutenue par le prêtre Nicolas Copernic dès 1543, près de 50 ans avant Galilée, sans que ses ouvrages soient condamnés - l’ouvrage de Copernic, De Revolutionibus orbium cœlestium, est même dédicacé au pape Paul III ; encore cinquante avant, le cardinal Nicolas de Cues avait nié que la Terre soit le centre de l’Univers - dans La Docte Ignorance, en 1440 ; et encore avant, en 1377, l’évêque de Lisieux Nicole Oresme avait déjà affirmé sans être inquiété que le mouvement de la Terre était une hypothèse tout aussi recevable que le mouvement du ciel - dans le Traité du Ciel et du monde : cela montre bien que ce ne sont pas tant les hypothèses scientifiques de Galilée qui lui ont été reprochées que la polémique religieuse qui y était associée.
- Dans le Dialogue de 1632, alors qu’on lui avait demandé de présenter les deux hypothèses, l’héliocentrisme et le géocentrisme, avec une certaine neutralité de jugement, Galilée se moque de ses adversaires ; dans cette pièce de théâtre, il donne au personnage défendant la thèse classique - en qui tout le monde reconnaît le pape Urbain VIII - le nom de Simplicius, c’est-à-dire le Simplet !
- La condamnation de Galilée était effectivement excessive et fondée sur une lecture fondamentaliste de la Bible que l’Église a désavouée depuis, mais les thèses de Galilée étaient également erronées : alors que Kepler avait déjà décrit avec plus d’exactitude l’orbite elliptique de la Terre autour du Soleil, Galilée persistait à décrire un mouvement parfaitement circulaire, et croyait à tort que le phénomène des marées prouvait sa théorie ; plus encore, Galilée croyait par exemple que les comètes n’étaient que des illusions d’optique, parce qu’elles ne rentraient pas dans sa théorie, et ne se gênait pas pour se moquer de ceux qui croyaient en la réalité des comètes - et pourtant elles existent !
- La censure des œuvres de Galilée est finalement levée en 1741, et la thèse héliocentriste a pu être de nouveau enseignée, preuve que la condamnation de Galilée avait été simplement disciplinaire et contextuelle et non pas dogmatique.
Quelques chiffres
- 15 jours : c’est le temps que Galilée passe en rétention pendant son procès - non pas en prison, mais dans un appartement luxueux du palais du Saint-Office [1].
- 7 psaumes 1 fois par semaine pendant 3 ans : c’est la peine à laquelle Galilée a été condamné par le Saint-Office - et encore n’était-il pas tenu de les réciter lui-même, puisqu’il les faisait réciter par sa fille religieuse !
Parole aux témoins, parole aux historiens
- Alexandre Koyré (1892-1964), historien des sciences, explique que la communauté scientifique au XVIIe siècle était en grande majorité opposée aux thèses de Galilée, et à raison, celui-ci n’ayant amené aucune preuve de ce qu’il avançait[2] : « Toutes les expériences de Galilée, du moins toutes les expériences réelles et aboutissant à une mesure et à un chiffre, ont été trouvées fausses par ses contemporains. »
- Galilée lui-même décrit les conditions dans lesquelles il est retenu pendant son procès[3] : « On a décidé que je me tiendrais retiré ici, mais avec une commodité bien inaccoutumée, dans trois chambres qui font partie de l’appartement de Monsieur le Fiscal du Saint-Office, avec pleine et entière liberté de me promener. Quant à ma santé, elle est bonne, ce que je dois d’abord à Dieu, puis à l’exquise attention de l’ambassadeur et de l’ambassadrice qui sont aux petits soins pour me procurer toutes mes aises. »
- Le pape saint Jean-Paul II (1920-2005), dans son discours à l’Académie pontificale des sciences du 21 octobre 1992[4] : « Une tragique incompréhension réciproque a été interprétée comme le reflet d’une opposition constitutive entre science et foi. Les élucidations apportées par les récentes études historiques nous permettent d’affirmer que ce douloureux malentendu appartient désormais au passé. »
Pour aller plus loin…
[1] Cf. le récit du père René François Rohrbacher (1789-1856) dans son Histoire universelle de l’Église catholique, tome 25, J.-G. Lardinois, 1848, p. 284.
[2] Études galiléennes, Hermann, 1939, pp. 66-67.
[3] Lettre à Geri Bocchineri, citée in Aubanel, Pierre, Le Génie sous la tiare. Urbain VIII et Galilée, Fayard, 1929, p. 211.
[4] Discours à l’Académie pontificale des sciences du 21 octobre 1992, in La Documentation catholique, n. 2062, 20 décembre 1992.