La révolution de Juillet 1830 bouleverse le champ politique en récusant une Restauration vieillie qui n’était pas la réponse attendue à la Révolution de 1789. En parallèle, les arts cherchent à rejeter la puissance de l’Académie des Beaux-Arts. Et puisque c’est en sculpture qu’elle est restée la plus dominatrice, les artistes vont donner vie, à leur tour, à une école romantique.
Ainsi, au Salon de 1833, les critiques admirent, presque sans aucune dissonance, le groupe de Caïn et sa race après être maudits de Dieu d’Antoine Étex ; et, au Salon de 1835, le Saint Augustin de Jean Duseigneur est clairement dans la recherche du portrait, des formes et des sentiments individuels, loin du formel
La forme sacrée des Grecs doit se soumettre dans les sujets chrétiens au beau de la morale chrétienne. L’artiste doit donc être un chrétien irréprochable et inspiré. Le célèbre sculpteur James Pradier auteur de la très poignante Pietà exposée en 1847 au Salon est ainsi violemment attaqué et traité de païen.
Un artiste réputé comme Auguste Clésinger, soupçonné « d’être un peu païen » va être violemment interpellé à propos de sa Pieta exposée au Salon de 1851
Il est alors demandé à la sculpture religieuse de se recentrer sur le respect de la tradition et, surtout, aux artistes d’être pénétrés d’une inspiration chrétienne.
D’ailleurs, Chateaubriand écrivait déjà en 1802, dans la seconde partie du Génie du Christianisme que
« Le cœur humain a en soi-même un élan vers une beauté inconnue, pour laquelle il fut créé dans son origine. »
L’inspiration devient donc la condition sine qua non de la sculpture religieuse. Sans elle, aucune œuvre ne peut revendiquer son qualificatif de religieux. Le sentiment chrétien est inné en l’homme.
C’est alors que se fait sentir la nécessité d’un art nouveau, qu’aucun artiste avant n’avait perçu, mais qu’ils avaient tous pratiqué depuis l’avènement de la foi chrétienne : l’art chrétien. Il ne s’agit plus uniquement d’un art, mais de l’Art. À partir des années 1840, Lamennais explique en effet que
« L’Art implique le Beau essentiel, immuable, infini, identique avec le Vrai dont il est l’éternelle manifestation, et quelque chose qui le rende accessible à nos sens, qui le détermine au sein de la Création contingente »
L’art découle de l’idée divine et n’en est plus uniquement le reflet. Il en résulte une redéfinition de l’art et de ses règles esthétiques. L’art est une émanation de la toute-puissance créatrice de Dieu. Rejeter le modèle de sa Création est évidemment un sacrilège. La sculpture acquiert dès lors une place essentielle. En effet, elle devient un art primaire, un art des origines dans la nouvelle hiérarchisation qui accompagne cette esthétique.
L’existence de l’art chrétien en sculpture est largement acceptée comme un art en soi que, dans les années 1850, Grimouard de Saint-Laurent définit assez bien en ces termes
« L’art chrétien, tel que vous le comprenez, est une chose sainte qu’il faut sentir en chrétien ; le dogme doit lui servir de base, la liturgie être sa première règle, la piété en être l’âme. »
L’inspiration par la foi et l’aspiration en Dieu sont donc bien au centre de ce nouvel art chrétien. Néanmoins, la beauté plastique a trop été prisée pour être exclue. Elle fait désormais partie du paysage sculptural français et le modèle médiéval devient lui aussi insuffisant, tout comme le sentiment inné des Grecs de l’existence d’une beauté unique, issue d’un Dieu unique, est insuffisant pour qu’ils soient érigés en exemples, eux aussi, uniques. Et plutôt que de parler d’inspiration, il va falloir désormais parler d’idéal. L’idéal est cette alliance de la perfection de la forme et de la perfection de l’inspiration puisée dans la foi. Tout doit être idéalisé à l’aune de la Création divine. Il faut copier la nature non telle qu’elle est vue dans le monde terrestre, mais telle que Dieu l’a créée dans l’Eden.
C’est dans ce contexte que les abbés Migne et Jouve publient le Dictionnaire d’esthétique chrétienne, qui replace l’art religieux dans l’esprit du Génie du Christianisme de Chateaubriand. Cet ouvrage vise à accorder tous les acteurs de la polémique de l’esthétique chrétienne. L’abbé Jouve développe, à la suite de Lamennais, l’idée de l’art sorti des mains de Dieu et du Beau idéal surnaturel et divin qui réunit dans son Beau moral, toujours issu du christianisme, toutes les formes de l’art dans leur excellence.
Depuis la Révolution, la Monarchie de droit divin s’est effondrée, si le culte a repris son domaine, les ecclésiastiques sont dépendants d’un gouvernement de laïcs ; le monde religieux a été presque totalement ruiné. Il reste peu d’espace pour le Christ et ses représentants dans la nouvelle société française constamment postrévolutionnaire, et plus préoccupée de définir ses droits, que de consacrer ses devoirs envers Dieu. Ainsi, c’est la société des hommes que veulent atteindre les théoriciens, les critiques et parfois les artistes.
Tout est mis en place pour détruire l’influence de l’Eglise et aboutir à la loi de 1905
Au début du XXème siècle, en France, les institutions de l’Eglise sont violemment attaquées sous le gouvernement socialiste de Pierre Waldeck-Rousseau et d’Emile Combes sous l’influence de la franc-maçonnerie et la pensée positiviste. Ils font fermer et sceller les portes de 2500 écoles catholiques, fermer et mettre en location couvents et monastères, nationaliser les église et s’emparer de leurs trésors et de toutes leurs œuvres d’art, supprimer les sonneries des cloches des églises, purger l’armée de ses catholiques pratiquants et provoquer la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican.
Malgré ces attaques subies par l’Eglise, de très grands artistes comme Joseph Chaumet (1852-1928), grand donateur de l’Eglise catholique, réalise en 1904 une œuvre d’art sacré magistrale, la « Via Vitae » (Musée d’art sacré Paray-le Monial) à la gloire du Christ et de son Eglise. Le monument de 3 mètres de haut est conçu comme une montagne rocheuse en écho au Deutéronome (32,4) « Il est le Rocher, ses œuvres sont parfaites, car toutes ses voies sont justes. C’est un Dieu fidèle et sans iniquité, Il est juste et droit. » En pleine tourmente, Joseph Chaumet s’affiche comme un chrétien investi de la mission d’évangéliser par son art. Il créa en outre une statuette de la France Catholique et fit inscrire sur le fronton de son établissement place Vendôme « VIVE LE CHRIST QUI AIME LA FRANCE» ! Joseph Chaumet est cité ici comme exemple d’un très grand nombre de catholiques qui n’ont pas accepté la dictature anticléricale.
Nombreux sont les historiens de l’art qui affirment que le XXe siècle a vu la fin d’un art chrétien. Pourtant, jamais Jésus et la Sainte Vierge n’ont réellement cessé d’inspirer les artistes les plus grands. Un paradoxe que souligne le théologien Jérôme Cottin dans La Mystique de l’art.
Ainsi les sculptures suivantes contemporaines remarquables montrent l’actualité de la foi chrétienne et le dynamisme, la vitalité et le génie de l’Eglise :
Durant toute l’époque contemporaine, la foi chrétienne continue à inspirer de grands artistes créateurs de la beauté. L’Eglise, porteuse de valeurs fondatrices, continue avec force son action missionnaire et civilisatrice entreprise durant 2000 ans. Elle a prouvé, à travers l’Histoire, que rien ne l’arrêtera dans sa mission.